Collection: Sharon Kivland

Sharon Kivland vit entre Londres et la campagne bretonne des bords de Rance. Un vieux poêle, des chats, des chiens, des ruches, des canards et des oies curieuses, un potager, un verger, une maison de pays au plafond bas, voilà pour la Bretagne. Mais l’univers artistique que l’on découvre en gravissant les quelques marches en pierre de son atelier est à l’opposé de cette atmosphère bucolique. En y pénétrant on a l’impression de mettre les pieds dans un cabinet de curiosités consacré à la féminité et à ses attributs : le rose y domine, mais pas n’importe quel rose, le rose « chair », celui du parfum Allure de Chanel.
Donc partout ce rose, d’une douceur trompeuse, celui des culottes chinées dans les vide greniers du coin, des dessins de soutien-gorge au crayon de couleurs, des photos de mode sur fond rose, des petites bouteilles de parfum, objets précieux dont s’exhale une inquiétante tulle en forme de fumée rose. Et puis la violence des trophées de chasse : une ravissante tête de biche accrochée au mur porte au cou un délicieux ruban rouge, comme la trace d’une décapitation.
Car on ne s’y trompe pas longtemps, la « chair » de ce rose est une chair blessée, comme la chair de Nana l’est par les regards de convoitise qui la réduisent à l’état de marchandise. Le roman de Zola et son personnage éponyme ont dans l’œuvre de Sharon Kivland une résonance particulière. Le texte de Zola est traité comme un matériau que l’artiste retravaille par des réécritures. Et le personnage de Nana, image hyper- trophée de la féminité, y tient une place emblématique. 
 Christine Benadretti